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Tous d'accord au débat des anti loi travail à la fac de lettres

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Tous d'accord au débat des anti loi travail à la fac de lettres

reportage

Quartier général des étudiants mobilisés contre le projet de loi El Khomri, l'amphithéâtre Donzelot, rebaptisé Donzelibre, a accueilli une syndicaliste CFDT et une députée PS sur la même longueur d'ondes. De son côté, l'ancien député PS Joseph Pinard pointe le caractère minoritaire des contempteurs du projet.

Mots-clés: loi El Khomri
Jeudi 7 avril 2016 / Daniel Bordür

Le public de l'amphithéâtre Donzelot occupé depuis dix jours par des étudiants mobilisés contre la loi travail est clairsemé ce jeudi matin. L'affiche proposée est pourtant alléchante avec deux femmes engagées elles aussi pour le retrait du projet, militantes d'organisations déchirées par ledit projet. Du coup, tout le mode est d'accord sur l'essentiel. Les rencontres précédentes, avec des représentants des syndicats clairement contre, des conférences sur le projet et sa philosophie, données par des universitaires, ont fait leur office d'éducation citoyenne.

Barbara Romagnan, députée socialiste du Doubs, s'est déjà prononcée contre plusieurs textes du gouvernement dont ceux sur l'état d'urgence et la déchéance de nationalité. A ses côtés, Christelle Tisserand, secrétaire du syndicat CFDT Santé-Sociaux du Doubs, est sévère : « Ce texte est une décision quasi unilatérale du gouvernement... On n'est pas au pays de Candy : jamais une concertation ne vaut une négociation. S'il y a une urgence à résoudre le chômage et la précarité, il n'y a aucune urgence à réécrire le code du travail. Dans le monde du travail d'aujourd'hui, on a du mal à avoir du collectif : ce projet va éloigner encore plus le collectif... »

« Le syndicalisme, c'est d'abord écouter les salariés.
Et tant pis s'il y a des remous internes à la CFDT,
ça fait avancer les choses. »

Si Christelle Tisserand combat le texte, c'est aussi parce qu'il a été analysé par des militants et des adhérents de son syndicat et qu'elle croit aux « valeurs démocratiques » qui lui ont fait préférer la CFDT : « le syndicalisme, c'est d'abord écouter les salariés. Dans la santé, ils sont très inquiets. Et tant pis s'il y a des remous internes à la CFDT, ça fait avancer les choses ». Si Barbara Romagnan est sur la même longueur d'ondes, c'est tout aussi simple : « ce n'est pas difficile d'être contre, je suis une gentille militante social-démocrate depuis l'âge de 19 ans... Mal payer les heures supplémentaires, c'est une façon de dévaloriser le travail... »

Nous écrivons l'affiche, mais ce n'est pas un show. Dans la salle, étudiants et militants plus âgés veulent comprendre certains mécanismes qui ont pu leur échapper. Pourquoi, par exemple, le lissage du temps de travail, actuellement organisé sur quatre semaines, devait l'être sur douze semaines avant qu'on le prévoit sur neuf semaines ? La députée répond : « On savait que ce devait être douze ou seize semaines sur un texte qui n'avait pas encore été présenté. La mobilisation plus l'opposition des organisations syndicales ont conduit le gouvernement à mettre neuf semaines, ce qui est déjà beaucoup de souplesse... »     

« On a du mal à former des délégués syndicaux,
les employeurs ont peur de les laisser aller en formation. »

Elle explique que « dans le PS peu de gens sont favorables au projet, mais le problème c'est qu'il y a une majorité PS au gouvernement et que le premier secrétaire du PS a une expression très modérée... » Sur un autre sujet que la loi travail, la déchéance de nationalité, la base du parti a déjà regimbé : « plus de la moitié des fédérations ont dit aux parlementaires de ne pas la voter, mais deux tiers l'ont quand même fait... »

Avant la rencontre...

La syndicaliste est taquinée sur le mandatement. Cela consiste pour une organisation syndicale à mandater un salarié non syndiqué dans une entreprise sans syndicat, pour signer un accord. La CFDT a plus souvent qu'à son tour été accusée de signer des accords peu intéressants par ce biais. Christelle Tisserand reconnaît que ce procédé, introduit par la seconde loi Aubry sur les 35 heures, peut causer des problèmes. Elle élargit la question : « On a du mal à former des délégués syndicaux, les employeurs ont peur de les laisser aller en formation. C'est bien d'avoir des mandatés, mais il faut des moyens ! Et puis, le climat est aux attaques contre les salariés à qui on fait porter dans les médias tous les maux de la terre... »

Cela amène une question d'une étudiante : « y a-t-il obligation de formation syndicale dans les entreprises ? » Christelle Tisserand développe : « Il y a un gros travail à faire en France sur ce qu'est le syndicalisme. Nous sommes diabolisés, considérés comme les emmerdeurs de service. Il faut que les employeurs changent leur regard sur les syndicalistes. On peut faire les lois qu'on veut, tant qu'on ne prendra pas l'autre pour un interlocuteur, je continuerai à aller au tribunal pour faire respecter la loi... »

« Ça marche parce que ce n'est pas nous qui le faisons »

Militant SUD-Etudiants, Sébastien constate l'abstention électorale en même temps que le « désir de changer l'expression démocratique », ce qui le fait s'interroger sur « le fait d'être permanent syndical ou professionnel de la politique ». Christelle Tisserand répond : « En devenant permanente, j'ai perdu du salaire. Dans le privé, le militantisme syndical est souvent du bénévolat. Je ne serai pas permanente à vie, je ne ferai pas de carrière syndicale, mais on m'a répondu : quand vous reviendrez, vous ne serez pas la bienvenue... »

Après le repas partagé, chacun fait sa plonge...

Pourquoi ne pas quitter la CFDT pour l'une, le PS pour l'autre, « si vous êtes en désaccord », interpelle un occupant. « Partir n'est pas la solution, je veux faire évoluer les choses en interne », dit Christelle Tisserand. Refrain maintes fois entendu ailleurs, dans d'autres bouches, d'autres organisations... « Quand je vote contre un texte, je le fais au nom des engagements du candidat Hollande », dit Barbara Romagnan qui n'envisage pas de quitter le PS. Un militant de SUD argumente : « Quand on est militant syndical, on n'est pas contre le compromis, mais on se base sur dix ans d'expérience... » La députée argumente à son tour : « Lors de la législative partielle de Montbéliard, longtemps une des meilleures circonscriptions pour la gauche, le Front de gauche et les Verts, qui avaient des bons candidats, du cru, ont fait 3%... Il faut des perspectives ».

Les deux militantes à mandat seront-elles participeront-elles à la Nuit debout programmée pour samedi 9 avril ? « Ce mouvement est super, mais je n'y serai pas », dit la syndicaliste. « C'est important de retrouver la joie du militantisme, mais ça marche parce que ce n'est pas nous qui le faisons », dit la députée... Puis elle partage le repas préparé sur place sur le modèle du resto-trottoir. On se sert, on s'installe... et on fait sa vaisselle.

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